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Du Rex Francorum au Roy de France I

2. 11. 2022

 

Roman national et documents sigillaires. Du supposé Clovis à Philippe II Auguste.

 

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«Notre roman national peut-être romancé, exagéré ou fantasmé, mais il est notre roman national. Si on ne partage pas ce patrimoine culturel, on ne partage plus rien. La crise que nous vivons n’est pas celle de l’Histoire, elle est celle de la transmission»

Nicolas Sarkozy - septembre 2016

https://twitter.com/nicolassarkozy/status/1390335709890875397

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L'étude de l'inventaire des sceaux royaux de Natalis de Wailly (1843),

Sur une collection de sceaux des rois et des reines de France. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1843, tome 4. pp. 484-485.

doi : 10.3406/bec.1843.451718

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451718

comme les illustrations de leur empreinte disponibles sur (le très opaque et académiste) sigilla.org, permettront dans un premier temps de faire l'inventaire des documents disponibles permettant de déterminer qui est le premier Roi de France.

L'inventaire de sigilla.org (confusionniste, trop souvent inaccessible et capable d'étranges imprécisions) présente une première catégorisation historique distinguant les Rois des Francs des Rois de France, et qui reprend la catégorisation la plus largement répandue. Cette catégorisation s'appuie sur un changement dans les coutumes de l'hérédité royale :

Les différents royaumes francs

map_gaul_divisions_511-fr.svg.png

Roi des Francs (Mérovingiens et Carolingiens + Hugues Capet)

http://www.sigilla.org/roi-francs-170

http://www.cartesfrance.fr/histoire/cartes-royaume-francs/

Alors que la tradition chez les deux premières dynasties, voudrait que tous les fils héritent d'une partie du royaume du père, à partir du règne de Robert le pieux (997), fils d'Hugues Capet, un héritier unique monte sur le trône du royaume qui n'est plus divisé entre les frères. Ainsi ce domaine royal, nouvellement placé en indivision, devient cet embryon territorial servant de support à l'appellation royaume de France exigeant son Roi.

Le domaine royal et les vassaux

carte-france-capetiens-987.png

Roi de France (Capétiens - Hugues Capet)

http://www.sigilla.org/roi-france-15018

http://www.cartesfrance.fr/histoire/cartes-royaume-francs/

 

Nous vérifierons dans quelle mesure l'inventaire méthodique établi par Natalis de Wailly confirme ou infirme le "roman national" (la doxa) repris par la catégorisation impliquant l'apparition d'un Roi de France dès la naissance de la dynastie capétienne.

On trouvera des indications et des précisions complémentaires sur les collections de sceaux dans les ouvrages suivants : 

Natalis de Wailly. Éléments de paléographie, tome 2, Paris, Imprimerie royale, 1838

https://archive.org/details/lmentsdepalograp02wail/page/n5/mode/2up?view=theater

- Nouveau traité de Diplomatique. Religieux de la congrégation de St. Maur. 1759

https://books.google.cz/

- Inventaires et documents - Collection des sceaux. Douët d'Arcq. 1863

https://books.google.cz

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Les Mérovingiens

Pour Eudes de Mézeray,

François Eudes de Mézeray - Abrégé chronologique de l'histoire de France, Volume 1 - 1673

https://books.google.cz/books?

c'est Faramond (418 - certains auteurs place le début de son règne en 420), qui inaugure la dynastie mérovingienne. Il est suivi par Clodion (428), Mérovée (448), Childéric (458) et Clovis, sacré roi en 481 (- / 508?).

Grâce à son baptême, Clovis devient le premier Roi "catholique" des Francs ( "catholique" est un anachronisme, il faut attendre le schisme de 1054. Clovis était certainement déjà chrétien avant sa conversion à la doctrine nicéenne, trinitaire - comme tous les peuples "barbares" des invasions, les Francs et Clovis avant sa conversion, étaient certainement chrétiens ariens - unitariens. Le roman national le prétend païen.) Les documents textuels semblent le désigner comme un Consul ou un Patrice romain nommé par l'empereur Anastase Ier. La littérature peut éventuellement le désigner comme Rex Bellorum. La légende Rex Francorum est une apparition attestée tardive.

Mais, tout ce que l'on peut savoir de Clovis est bien postérieur à son règne : " on sait qu'il ne nous reste de Clovis aucun acte sincère qui viendrait tant soi peu éclairer l'histoire de son règne : triste constat que l'on peut étendre à l'ensemble du VIème siècle mérovingien, dont les rois pas plus que leur homologues lombards, ne nous ont laissé un seul acte qui ne soit une forgerie."

Carlrichard Brülh. Clovis chez les faussaires. Bibliothèque de l'École des chartes. Vol. 154, No. 1, CLOVIS CHEZ LES HISTORIENS (janvier-juin 1996), pp. 219-240

https://www.jstor.org/stable/43013434

D'une manière générale, l'origine de l'histoire de France reste "incertaine", à l'image des Grandes chroniques de France de l'abbaye de Saint-Denis: 

1274 (1274 ?) (Information incertaine) (Source : Initiale) (Information incertaine)

https://portail.biblissima.fr/ark:/43093/mdatab556ccf39ba42ab7f5eeb6bd7675f94551e16d7a

Quant aux traces archéologiques, en général les académiciens admettent qu'elles restent de l'ordre du probable (incroyables et très opportunes découvertes, reconstructions et destructions définitives, disparitions mystérieuses...rien de plus romanesque que l'archéologie mérovingienne...)

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solidus_justinien.jpg

L'empereur byzantin comme modèle des attributs royaux mérovingiens 

Solidus de Justinien (527-565), Constantinople.

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Vers une histoire de la représentation du Globe terrestre

L'exemple du Jablko tchèque : c'est une pomme puisque la Terre était plate!

https://www.jerome-maurice-francis.cz/clanky/radio-paris-ment/ceci-n-est-pas-une-pomme--.html

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L'inventaire des sceaux royaux de Natalis de Wailly évoque de premiers réputés mérovingiens, mais sans jamais citer Clovis : 

Clovis Ier n'apparait non plus nommément dans la chronique de Marius d'Avenches. Même si l'évêque de Lausanne n'ignore pas l'existence d'un royaume des Francs en 500, c'est Clodomir (+524) qui reçoit l'honneur d'être nommé le premier.  

Et si Sigilla.org établit une fiche au nom de Clovis Ier, c'est uniquement pour indiquer que "

Sceau de forme, dimensions, dessin et légende inconnus.

Sceau attesté par une mention dans le Liber historiae Francorum,

édit. B. Krusch, dans Monumenta Germanica Historiae, Scriptores rerum merovingicarum, 1888, t. 2, p. 257.

http://www.sigilla.org/sceau-type/clovis-ier-sceau-29347

 

- Childéric Ier (CHILDIRICI REGIS , réputé père de Clovis - anneau sigillaire découvert à Tournai en 1653)

chideric_regiz.png

- http://www.sigilla.org/sceau-type/childeric-ier-roi-francs-sceau-27678)

- Sigebert II (S.R. - Sigebertus Rex - anneau sigillaire, "les deux sigles sont séparés par la tête du roi vue de trois quarts") sans date ni titre. Il est répertorié en tant que Sigebert III (rois d'Austrasie vers 650) sur Sigilla.org

http://www.sigilla.org/moulage/douet-arcq-3-29408

Le premier Rex Francorum apparait en 680 : Thierry III : (THEU)DERICUS REX FR(ANC.)

Theudericus = Theodéric (Goth) = Thierry (Franc)

L'inventaire de Sigilla.org confirme l'apparition du titre REX FRANCORUM vers 690 (même si la légende du sceau est plus restreinte que celle consultée par Natalis de Wailly)

[THEVDERI] CVS REX [FRANCORVM]

thierryiii.png

http://www.sigilla.org/sceau-type/thierry-iii-sceau-29401

Dans l'abrégé chronologique de Mézeray, le roi Thierry (674) est le premier du nom (un Thierry II aurait régné vers 722)

 

Chilpéric II constitue le dernier représentant de cette catégorie REX FRANCORUM, composée seulement de quatre exemples dans l'inventaire de Natalis de Wailly (Thierry III -680, Clovis III -693, Childebert III -709, Chilpéric II -716.)

chilperic.png

http://www.sigilla.org/moulage/douet-arcq-10-29527

Cette série mérovingienne présente une cohérence de style : une tête à longs cheveux, vue de face. On observe des croix latines sur le sceau de Childebert.

beaux-arts_de_carcassonne_-_le_dernier_des_merovingiens_-_evariste-vital_luminais_-joconde_04400000403.jpg

Le supposé Childéric III, déposé par Pépin le Bref en 751 - Le dernier des Rex Francorum

Le dernier des Mérovingiens - 1883 - Évariste-Vital Luminais, Musée des Beaux-Arts de Carcassonne.

 

À l’exemple de la chevelure de Samson, la croyance en des pouvoirs surnaturels des cheveux a existé dans de multiples sociétés antiques et a perduré jusqu’à nos jours. Les anciens Égyptiens accordaient, eux aussi, une grande part de pouvoir, et donc, de magie, aux cheveux. Plusieurs rituels s’en font l’écho, de la mèche de jeunesse aux offrandes déposées dans les tombes.

Par Amandine Marshall, docteur en égyptologie

« Magie et pouvoir de la chevelure en Egypte ancienne », Archéologia 563, 2018, pp. 56-61.

https://www.academia.edu/36728910/_Magie_et_pouvoir_de_la_chevelure_en_Egypte_ancienne_Arch%C3%A9ologia_563_2018_pp_56_61

 

Les Carolingiens

Sous la dynastie carolingienne, le dernier maire du palis,  Pépin le Bref  752. "Pas de légende" chez Natalis de Wailly, qui décrit le sceau ainsi : "tête barbue, couronnée de pampre, vue de face. "

sceau_pepin_le_bref_17041.jpg

Sigilla.org fournit une légende : Pepinus Imperator

http://www.sigilla.org/moulage/lorraine-359-36806

Pourtant la biographie désigne Pépin comme roi des Francs de Neustrie.

https://fr.wikipedia.org/Ppin_le_Bref

 

On observe le changement de style carolingien : tête de profil, cheveux courts.

 

 

constantin_v.jpg

 
 

Vers 750, le sceau de Constantin V et de son fils Léon IV. On reconnait le style byzantin, tête couronnée, de face, chevelure longue, globe crucigère.

https://collections.geneve.ch/mah/oeuvre/sceau-byzantin/cdn-044665

 

 

- Chez les carolingiens, les légendes sont très variées, les titres alternent entre REX et IMPERATOR et ne font pas toujours référence aux Francs.

Les sceaux et les représentations de Charlemagne ne lassent de surprendre par leur variété.

charlemagne_rex.pngLe sceau du Roi des Francs

XPE PROTEGE CAROLVM REGE FRANCR

porterait  la figure d'un empereur romain du IIème siècle ?!  (Antonin le pieux ou Commode d'après Sigilla.org) :

Buste de profil à droite d'un homme (Antonin le Pieux ou Commode ?) portant la barbe et les cheveux courts et bouclés ; il est revêtu du paludamentum.

http://www.sigilla.org/sceau-type/charlemagne-premier-sceau-29715

charlemagne_serapis.png

Le sceau de la période impériale ne porte aucune légende (anépigraphe) :

Tête de profil à gauche de Jupiter Sérapis, barbu et portant la coiffure en forme de modius.

http://www.sigilla.org/sceau-type/charlemagne-deuxieme-sceau-29731

 

 

 

charlemagne_denier_mayence_812_814.jpg

 

 

 

Denier impérial en argent de Charlemagne, inspiré des modèles romains. Au droit figure le profil imberbe et moustachu, le front ceint de lauriers, le buste couvert du paludamentum[1], et l'inscription « KAROLUS IMP[ERATOR] AUG[USTUS] »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlemagne#/media/Fichier:Charlemagne_denier_Mayence_812_814.jpg

L'atelier monétaire est identifiable : M. On semble admettre rapidement qu'il désigne Melle, dans le Poitou, atelier attenant à la mine d'argent. Pourtant, dans une étude consacrée aux "monnaies de Melle pendant le règne de Charles le chauve", les auteurs décrivent des monnaies dont la légende se réfère à l'atelier en toute lettres : METTVLO /-METTALVM. On considère d'habitude que M désigne l'atelier de Toulouse.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ateliers_mon%C3%A9taires_fran%C3%A7ais

 

La première apparition du Gratia Dei date de Charles le Chauve, 841/843 (KAROLUS MISERICORDIA DI IMPERATOR AVG - 877).

+ KAROLVS GRATIA DI. REX

moulage_du_sceau_de_charles_ii_le_chauve-_roi_de_france._1_-_archives_nationales_-_sc-b1.jpg

Buste de profil à droite d'un homme imberbe, la tête ceinte d'une couronne de laurier nouée sur la nuque avec des rubans flottants. Il est revêtu du paludamentum attaché sur l'épaule droite.

http://www.sigilla.org/sceau-type/charles-ii-chauve-premier-sceau-29917

Le dernier carolingien, dont fait mention l'inventaire de Natalis de Wailly, est Charles le Simple : KAROLUS GRATIA DI. REX - 911. 

Ces deux sceaux très semblables peuvent porter à confusion. "Malgré l'identité de la légende", Natalis de Wailly remarque que pour Charles le simple (+929), "la légende commence dans le bas à gauche; celle du sceau de Charles le chauve (+877) commence, au contraire, à droite, dans le haut : il est donc facile de distinguer ces deux types."

 

- Les Robertiens,

Eudes (888),

Tête de profil à droite d'un homme aux cheveux courts ceints d'un diadème.

Rodolphe (ou Raoul): RODULFUS GRATIA DI. REX 932 (bosonide : Tête laurée tournée à gauche. Il est d'abord Duc de Bourgogne avant d'être sacré Roi des Francs

https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1988_num_43_3_283514

 

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Les Capétiens

 

L'usage d'un titre unique redevient systématique en 997, sous Robert II (le Pieux), le premier des capétiens, qui épouse Berthe de Bourgogne.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_II_le_Pieux#Un_amour_pour_Berthe_de_Bourgogne_(996-1003)

A la différence de la première époque, le déterminant est antéposé: FRANCORUM REX

 

ROBERTUS GR(AT)IA DI. FRANCORU. REX. 997

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451718)

robertii.png

Un roi vu de face, à mi-corps, la tête ceinte d'une couronne à trois fleurons, la barbe longue. Le manteau, attaché sur l'épaule droite, retombe en pointe sur la poitrine. Il tient à la main droite un sceptre et à la gauche un globe.

http://www.sigilla.org/moulage/douet-arcq-31-30425

1056 - C'est Henri Ier,

futur époux d'Anne de Kiev,

à l'époque où Procope de Sázava était supposé rédiger l'Evangéliaire de Reims,

qui donnera l'ordre canonique DEI GRATIA FRANCORUM REX

sceau_du_roi_henri_ier.jpg

Le roi est assis de face sur une banquette à deux étages d'arcatures, les pieds posés sur une estrade. Il porte une épaisse barbe et des cheveux courts ceints d'une couronne à trois pointes. Il est vêtu d'une longue dalmatique et d'un court manteau attaché sur l'épaule droite par un fermail rond et tombant en pointe sur la poitrine. De la main droite il tient un fleuron, de la main gauche un sceptre.

http://www.sigilla.org/sceau-type/henri-ier-roi-francs-premier-sceau-30429

Le trône aux lions apparait sous Louis VI (le gros, + 1137)

louis_vi_of_france.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le roi est assis sur un trône orné d'avant-corps de lions et posé sur une estrade.

http://www.sigilla.org/moulage/douet-arcq-35-30876

louis_7.jpg

Sceau du roi Louis VII (le dernier roi des Francs ?)

Le roi est assis sur un trône en forme d’X orné d’avant-corps de lions et posé sur une estrade recouverte d’un tapis galonné. Il porte de longs cheveux ceints d’une couronne au large bandeau surmonté de trois fleurs de lis. Il est vêtu d’une dalmatique qui recouvre une longue tunique tombant jusqu’aux pieds et d’un manteau bordé d’un galon et attaché sur l’épaule droite par un fermail rond. De la main droite, il tient une fleur de lis et de la gauche un sceptre terminé par une fleur de lis dans un losange pommeté.

Natalis de Wailly, Éléments de paléographie, tome 2, Paris, Imprimerie royale, 1838, planche C, voir en ligne.

 

Le cas Hugues Capet

En se référant à une reproduction d'un dessin, tirée d'un ouvrage de 1681, les académistes de sigilla.org resteront fidèles à leur réputation d'usage de grossières catégorisations, refusant toute exactitude dans le processus de description. Ce manque de précision,  en se faisant l'écho de rumeurs ou en assimilant d'étranges "copies" à des originaux, s'érige dorénavant en obstacle à la connaissance directe des documents.

La catégorisation utilisée par Sigilla.org présente Hugues Capet (décédé en 996) à la fois, comme premier FRANCORUM REX  (adjectif antéposé), et dernier Roi des Francs. C'est Robert II, le FRANCORUM REX de 997, que la catégorisation de sigilla.org sacre premier Roi de France (alors que Robert II reste un Roi des Francs dans la catégorisation de Wikipédia. Avant la modification du 27 février 2022, Louis VII était présenté comme premier Roi de France par les rédacteurs du Wikipédia francophone (sans doute grâce à son mariage avec Aliénor d'Aquitaine)

L'aspect bande-dessinée de la reproduction du sceau d'Hugues Capet ne manque pas de surprendre:

+ HVGO DEI MISERICORDIA FRANC(o)R(um) R(ex)

hugues_capet.jpg

 

De Re Diplomatica, 1681, p.421, pl. XXXVIII n°1 

http://www.sigilla.org/dessin/hugues-capet-mabillon-11435

 

L'Encyclopédie méthodique (Histoire, tome II, article Duc. P. 379) présente l'ancêtre des Capétiens comme un sécessionniste :

"Par la faiblesse des rois, les duc et gouverneurs de provinces se firent souverains des provinces confiées à leur administration. Ce changement arriva principalement sur la fin de la seconde race, quand les grands seigneurs commencèrent à démembrer le royaume, de manière que Hugues Capet trouva chez les François plus de compétiteurs que de sujets. "

Une trame narrative impliquant un coup d'état des maires des Palais devait déjà expliquer la disparition de la première race et de ses rois "fainéants."

Pendant la période mérovingienne, les maires du palais1, parfois préfets du palais, étaient les plus hauts dignitaires des royaumes francs, après les rois. À l'origine simples intendants du roi dans son palais, ils vont progressivement étendre leur pouvoir et leurs fonctions, à partir du viie siècle, jusqu'à se trouver en mesure de déposer les rois.

En 751, Pépin le Bref dépose le dernier roi mérovingien, Childéric III, et se fait reconnaitre comme souverain du royaume franc par le pape Zacharie et fonde ainsi la dynastie carolingienne.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maire_du_palais

En plus de constituer une trame historique déjà reconnaissable dans les événements de l'anarchie militaire, elle correspond aussi à la description de l'événement de la "chute de Rome." Une fois purgé de la notion trop simple "d'invasions barbares", cet événement se décrit aussi comme une sécession des diocèses ariens.

Les nouveaux royaumes "barbares" reprennent les frontières des diocèses de Dioclétien (-300) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Roman_Empire_with_dioceses_in_300_AD.png -

Contrairement à l'aspect de mosaïque chaotique que présente l'Angleterre après les invasions (+500) : https://www.euratlas.net/history/europe/500/fr_500_nord-ouest.html

On ne peut s'empêcher de remarquer la même façon sécessioniste, qui fit des provinces de l'empire Romain des contrées musulmanes.

L'histoire méconnue de l'Islam en Gaule (VIIIe-Xe siècle) - La Gaule arabo-berbère de l'émirat de Narbonne à La Garde Freinet

La période de "la Gaule musulmane" ou "la Gaule arabo-berbère" a duré de 719 à 972, soit avec des périodes d'interruption ou d'incertitude, 253 ans de gouvernance musulmane (dont le siège était d'abord à Narbonne, puis finalement dans la base fortifiée de la Garde-Freinet, sans compter le maintien de communautés musulmanes, notamment à Montpellier jusqu'au 12e siècle. Cette période est donc presque complètement occultée dans les manuels scolaires.
On y passe totalement sous silence que le Sud de la Gaule (des Pyrénées aux Alpes) fut gouverné par des musulmans durant plus de deux siècles. Pépin le Bref prit certes Narbonne aux Musulmans en 759 mais ne parvint pas à détruire l'Islam en Gaule : jusqu'à la fin du 10e siècle, une partie de la côte méditerranéenne resta musulmane, avec pour place forte la Garde Freinet (dans le Fraxinet) près de l'actuel Saint-Tropez.
Et le dernier bastion musulman fut le massif des Maures. La Gaule méridionale musulmane était politiquement rattachée à l'Emirat (puis au Califat) de Cordoue. Sa chute fut le prélude de la Reconquista catholique en Espagne et des Croisades en Orient et en Afrique.

https://www.decitre.fr/livres/l-histoire-meconnue-de-l-islam-en-gaule-viiie-xe-siecle-9782914566810.html

735 - Le duc de Marseille se rallie au Califat des Omeyyades.

En ou avant 7363, il appelle à l'aide le Sarrasin Yusuf ibn 'Abd al-Rahman al-Fihriwali de Narbonne, pour défendre Avignon4 bien que certains indiquent que la cité fut prise ainsi que celle Arles. D'autres sources placent ces évènements après 736. Cette année-là, Charles Martel envahit la vallée du Rhône avec son demi-frère Childebrand et dévaste la région, reprenant Arles et Avignon et repoussant Mauronte dans Marseille. À partir de cette cité, le patrice et ses alliés se rebellent à nouveau en 737 puis en 7395, mais Childebrand, aidé de Charles Martel et renforcé par les Lombards remporte une victoire décisive près d'Avignon6 et force Mauronte à se réfugier dans les Alpes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mauronte

Roman d'Aquin - La conqueste de la Bretaigne armoricque par le roy Charlemaigne

Cy ensuit le discours d'une conqueste du royaulme de Bretaigne Armoricque, faicte par le preux Charlemaigne roy de France, avant son coronement à l'empire environ dix ou douze ans, contre un roy sarazin nommé Acquin qui  habvaoit possédé le dit réaulme par l'espace de XXXans.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81586s/f132.image#

5748e année du consulat de Justin II Auguste, 7e indiction.

Cette année-ci, les Lombards entrèrent une seconde fois dans le Valais et ils s'emparèrent des Cluses et séjournèrent longtemps dans le monastère des saints d'Agaune et après, ils engagèrent le combat à Bex avec l'armée des Francs où ils furent presque tous tués jusqu'au dernier. Quelques-uns se sauvèrent par la fuite. Les Maures et autres peuples, qui voulurent envahir la Provence, furent défaits par les Francs.

http://remacle.org/bloodwolf/historiens/marius/chroniques.htm

 

Dans leur Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la révolution de 1789, les auteurs présente Hugues Capet comme un usurpateur. Ils n'omettent pas l'occasion de rappeler l'absence de document législatif  : " Un savant nous a dit avoir vu des Chartes de cette époque, datées de différentes années de l'usurpation de Hugues, duc de France."

JOURDAN, DECRUSY et ISAMBERT, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420...Paris. 1821. Tome I, préface p.LXII 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65212800?rk=42918;4

Le Duc Hugues Capet (Dux Aquitanorum), dont on ne possède aucune empreinte positive de sceau royal, est effectivement absent de l'inventaire de Natalis de Wailly.

***

Philippe II, premier roi de France ?

  

conquetes_philippe_auguste.gif

La lutte pour les Gaules : les Plantagenêts (rouge), 

le domaine du Roi des Francs (bleu) et de ses vassaux (vert), les possessions ecclésiastiques (jaune)

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_de_France#mediaviewer/Fichier:Conquetes_Philippe_Auguste.gif

 

Le mythe de la France éternelle voudrait que

« entre 1150 et 1250 environ, la royauté française s'installe et s'enracine dans ses rites et son idéologie. Le roi des Francs devient le roi de France. »

http://www.fdn.fr/~rebours/clovis.htm

Plus précisément, sous le règne de Philippe II...

né en 1165 à Paris et décédé en 1223 à Nantes, Philippe II dit Philippe Auguste est le septième roi de la dynastie des Capétiens. Fils héritier de Louis VII et d'Adèle de Champagne, Philippe Auguste reste l'un des monarques les plus admirés et étudiés (sic!) de la France médiévale en raison de sa longueur de règne, de ses importantes victoires militaires ainsi que des progrès essentiels accomplis pour affermir le pouvoir royal et mettre fin à l'époque féodale.

https://www.doc-du-juriste.com/droit-public-et-international/histoire-et-philosophie-du-droit/dissertation/ordonnance-testament-philippe-ii-auguste-organisation-gouvernement-royaume-administration-domaine-480285.html

 

... apparaît, à partir de 1190, [le titre] de rex Franciæ, roi de France11 qui sera dès lors en concurrence avec le titre de rex Francorum (sic.) jusqu'à la Révolution.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_monarques_de_France

 

On retrouve cette affirmation dans la littérature commune en anglais ou en polonais.

King of France, and the first to be called by that title

https://www.wikidata.org/wiki/Q34428

Notons que la version polonaise suppose une titulature en français.

Od panowania Filipa II Augusta tytuł przybrał formę Król Francji (Roi de France)

https://pl.wikipedia.org/wiki/W%C5%82adcy_Francji

Il faut cependant relever que les traités et conventions de paix signés entre les vassaux ou alliés et le royaume de France mentionnent sans exception Philippus rex Francorum (sic.), Philippe roi des Francs ou des Français, à la différence par exemple de Richard roi d'Angleterre (rex Angliæ – en usage depuis Henri II – 1154 – fils d’Henri Ier, créateur du système Tally Stick). »“

http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_de_France

Le document qui donnerait corps à ce changement légendaire de titre, est communément appelé l’Ordonnance-testament de 1190

qu'il fait rédiger [à destination des deux régents que sont la reine mère, Adèle de Champagne, et son frère, l’archevêque de Reims, Guillaume aux Blanches Mains] pour organiser la régence [pendant l'absence du roi parti en croisade] considérée comme « la première Constitution de l'histoire capétienne. »

https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB-philippe-auguste-%C2%BB-de-john-baldwin

Les savants ne manqueront pas de rappeler l'importance de ce document dans la construction de la connaissance directe:

"L’histoire ne peut se faire sans documents, et les documents ont tranché : c’est Philippe Auguste (1165-1223). Pourquoi ? Parce qu’il est le premier à être qualifié, dans ses actes officiels des années 1190, de rex Franciae, et non plus seulement de rex Francorum (sic)."

http://www.maveritesur.com/laurent-avezou/non-clovis-n-est-pas-le-premier-roi-de-france/671

Et même si des transcriptions peu sérieuses font état de "roi de France"...

https://docs.school/histoire-et-geographie/histoire-medievale/dissertation/ordonnance-philippe-auguste-9461.html,

 

... en réalité, ce document, librement disponible en ligne et universellement accessible, ne laisse apparaître nulle part le titre mythique.

Au contraire, il y est fait usage du traditionnel "roi des Francs":

 

In nomine sancte et individue Trinitatis. Amen.

Philippus Dei gracia Francorum rex.

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114540f/f460.

image.r=%22testament%20de%20philippe%20auguste%22?rk=42918;4

 

Une fois abandonnée l'hypothèse de l'apparition du nouveau titre dans l'Ordonnance-testament de 1190, il n'en reste pas moins que les défenseurs de la version mythologique ne s’accordent pas vraiment sur la date exacte de l’apparition supposée du titre Rex Franciae sous le règne de Philippe II Auguste (titre qu'on imagine nécessairement en latin !) Cette imprécision, dans la date d'apparition supposée du nouveau du titre, correspond à l'absence systématique de référence à tout document concret qui viendrait confirmer une date à ce changement de titre:

 « Alain Derville, né en 1924, agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur à la Faculté des Lettres puis à l'Université de Lille III dans son livre La société française au Moyen Âge, 2000, p. 264 dit que "dès 1200, Philippe Auguste abandonna le titre de roi des Francs (rex francorum) par celui de roi de France (Rex franciæ)". Marie Thérèse Jones-Davies, professeur à l'Université Paris Sorbonne dans Langues et nations au temps de la Renaissance p. 39, dit que "Cette titulature devint officielle en 1181 lorsque Phillippe-Auguste déclara : Philippus Dei gratia Franciae rex (Philippe roi de France par la grâce de Dieu)". Alain de Benoist dans La ligne de mire, p. 62, dit que : "l'expression rex Franciae n'apparaît qu'au XIIIe siècle sous Philippe Auguste après la défaite de Muret" (le 12 septembre 1213 - dans le cadre de la croisade contre les Albigeois commencée en 1209.)»

http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Philippe_II_de_France

Cette date de 1213 correspond aussi à la conquête (?) du Comté d'Auvergne.

Rémy Roques. La « conquête de l’Auvergne » par Philippe Auguste 

https://doi.org/10.4000/ccm.4516

Une autre date qui symboliserait l'avènement du roi de France, serait celle de la bataille de Bouvines en 1214 :

Symboliquement depuis 1214, quand les troupes du roi Philippe Auguste battent celles de l’empereur germanique à Bouvines. On utilisait depuis l’an 883 le mot Francia (pays des Francs) et, avant cette date, Gallia (pays des Gaulois). En grec, la France s’appelle toujours Gallia.

https://www.caminteresse.fr/histoire/depuis-quand-notre-pays-sappelle-t-il-la-france-108800/

 

Bernard Guenée (Politique et histoire au Moyen Âge. 1981) se réfère à la date traditionnelle de l'Ordonnance-testament, mais il évoque aussi 1204. Il implique sans doute que la  "France" serait la notion correspondant au nouveau territoire défini après la conquête de la Normandie.

Robert Gaguin avait lui aussi imaginé une France née du mariage des domaines d'Anne de Bretagne et de Charles VIII;

c'est aussi sans doute son mariage avec Berthe de Bourgogne, que le Franc Robert II voulait célébrer en endossant le titre de FRANCORUM REX en 997

« En 1190Rex Francie apparaît dans quelques actes influencés par les traditions des Plantagenêt. Puis en 1196 l'expression se trouve dans des actes plus quelconques. En  enfin, Philippus rex Francie est utilisé dans le protocole initial des lettres royales. Et en  apparaît pour la première fois Regnum Francie7. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_Auguste#cite_note-8

La narrative en anglais de Wikipédia confirme cette idée de d'apparition progressive du titre :

The first king calling himself rex Francie ("King of France") was Philip II, in 1190, and officially from 1204. 

https://en.wikipedia.org/wiki/Kingdom_of_France

La doxa anglophone reprenant la catégorisation de Sigilla.org, comporte le mérite de la clarté conjuguée au paradoxe. Ainsi, les rois des deux premières dynasties sont automatiquement rois des Francs, alors que les Capétiens seraient déjà roi de France.

Dans le même temps, dans le cadre d'une hypothèse Philippe Auguste premier Roi De France, il faudrait admettre qu'il existât un royaume de France capétien, depuis 987, qui attendit plus de deux siècles l'avènement de son premier roi, timidement en 1190, mais définitivement et triomphalement en 1204 après l'annexion de la Normandie continentale au domaine royal.

Pourtant, dans son article Études sur le « Registrum Veterius » et la date de quelques actes de Philippe-Auguste  (1938), les documents cités font systématiquement mention du traditionnel Francorum Rex, même si au contraire, les commentaires de Charles Petit-Dutaillis évoquent uniquement le Roi de France.

Par facilité de langage, une certaine narrative assume un Roi des Francs régnant sur le territoire désignée dans sa délimitation latine par la notion de Francia

Citant Colette Beaune, Naissance de la nation France, les rédacteurs de l'article Francie renforcent encore ce sentiment de confusion générale baignant l'apparition supposée du titre de Roi de France (mais parlant toujours latin), qui serait le fait de Saint-Louis (Louis IX) :

C’est en 1254 que Rex Francorum (sic.) laisse la place à Rex Franciæ.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Francie#cite_ref-Naissance_de_la_nation_France_43-2

Cependant, Louis Carolus-Barré (1976) remarque qu'à l'époque de Louis IX, de rares actes adressés à des administrations territoriales du nord-est de Paris, ou les traités diplomatiques adressés aux Plantagenêts, sont rédigés en langue vulgaire et le Roy de France n'y apparait que comme traduction de Francorum Rex :

Ailleurs, dans la Douce France chantée par les poètes, c'est plus tardivement et de façon plus ou moins sporadique que l'on rencontre des actes en langue vulgaire, dans l'énorme masse des documents rédigés traditionnellement en latin.

La plupart de ces actes, encore assez peu nombreux, émanent d'échevinages urbains (ex. : Douai, Tournai, Metz -) ou bien de seigneurs de petite ou moyenne importance : chevaliers, écuyers, — parfois même (mais plus rarement) d'une autorité ecclésiastique.

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1976_num_120_1_13222

Dans cet ensemble rédigé en langue latine, il m'est arrivé — alors que depuis de longues années je m'attache à rassembler les actes de Louis IX — de trouver quelques actes en langue vulgaire : tel mandement adressé en picard au maire féodal de Clermont-en- Beauvaisis (1255), deux autres à la commune de Montreuil-sur-Mer (1255, 1257), une dizaine d'autres encore adressés aux gardes de la forêt de Retz (auj. Villers-Cotterêts) (1227-1258), — mais le texte de ces divers documents est conservé seulement en copie, et l'on n'a pas de mal à déceler qu'il s'agit de traductions faites sur des originaux rédigés en latin.

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1976_num_120_1_13222

Principe d'incertitude

Ce dernier commentaire sur le style si particulier et immédiatement identifiable de la traduction au mot à mot, s'il satisfait les exigences des "spécialistes" en littérature, n'en laisse pas moins découvrir un seuil infranchissable en terme de connaissance directe.

Puisque que les copies et les traductions s'accumulent, l'erreur du copiste est devenue un principe d'incertitude incontournable. A l'image d'une rationalité physique, se pliant à l'exigence positiviste de la preuve et se résolvant à adopter l'idée de vide quantique, la rationalité historique doit exiger, par principe positiviste, la preuve historique de l'existence d'un document afin d'en supposer la datation. 

Face à la possibilité systématique de présence de l'erreur, la connaissance directe de l'historien doit admettre que la copie ne fait foi que d'elle même, elle ne prouve en aucun cas l'existence de l'acte copié.

En 1888, Elie Berger résumait ce principe fondamental, en constatant que (à propos des Actes de Louis VII): "Ces lettres, que nous ne possédons plus sous leur forme première, ne prouvent rien contre les actes authentiques."

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1884_num_45_1_447246

Si les copies "ne prouvent rien", elles s'avèrent incapables de prouver l'existence de ces originaux !

L'histoire extra-subjective exige de n'admettre aucune datation antérieure à la copie. L'esprit s'accorde aisément à appliquer ce principe devant l'existence supposée d'Hugues Capet Francorum Rex. Même si une grossière représentation du sceau prétend copier un original supposé, le style totalement incohérent laisse deviner une simple invention du copiste.

L'application généralisée et systématique de ce principe positiviste se révèle capable de révéler des cohérences significatives insoupçonnées. 

La série expérimentale observée par Louis Carolus-Barré...

La plupart de ces actes, encore assez peu nombreux, émanent d'échevinages urbains (ex. : Douai, Tournai, Metz -

...devient une série particulièrement signifiante...dans le cadre de la conquête de la Lorraine, de la découverte du tombeau de Childéric et la construction de la narrative mérovingienne. 

En appliquant ce principe, on évite aussi les éternelles arguties dans lesquelles peuvent s'enfermer toutes les énergies du débat. Pierre Dortiguier dénonçait déjà cette situation en citant un auteur anonyme des Monumenta Germaniae Historica (certainement Carlrichard Brühl) à la 10ème minute de sa conférence sur les approches récentistes :

les archives seraient truffées de faux, implantés, d'époque en époque, par des clercs académiques au service du clan encore au pouvoir des siècles plus tard...

C'est donc probablement sur la base d'archives éparses, de documents "quelconques" (Bernard Guenée) que la légende s'est créée, colportée de génération en génération par des "savants" peu pressés de corriger les erreurs accumulées par les copistes...

***

Si alors l'étude des "documents" mal copiés s'avère peu capable de révéler la date exacte de l'apparition du titre de Roi de France, le déchiffrage de la légende inscrite sur les sceaux royaux, bénéficiant de l'attention toute protectrice de leur Garde, pourrait au contraire fournir une information plus fiable. A condition toutefois de se méfier des savants commentateurs...

A partir de 1190, le sceau de Philippe Auguste est gravé de la mention en latin : Rex Franciæroi de France1, mais la titulature latine rex Francorum (sic.) reste par ailleurs en usage jusqu'à la Révolution.

référence : Jean-Paul Meyer,Les Fils de L'An 2000 Essai [archive], 1998, p. 61

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_monarques_de_France#Titres_officiels

...pour leur préférer la connaissance directe rendue possible grâce à la numérisation et au réseau mondial, permettant à chaque utilisateur d'accéder directement aux documents, de se constituer dès lors en un Citoyen libéré (de l'habitude des autorités et de leurs arguments rhétoriques) et d'entrer de plein droit dans la Cité du savoir:

http://www.sigilla.org/sceau-type/philippe-ii-auguste-deuxieme-grand-sceau-21788

On s'aperçoit alors que l'affirmation des rédacteurs de Wikipédia, reprenant celle de J.P. Meyer, et prétendant que le titre de Rex Franciae apparait sur le sceau du roi dès 1190, est en totale contradiction avec l'observation directe des sceaux royaux numérisés sur sigilla.org.

Elle contredisait déjà l'inventaire des sceaux royaux effectué par Natalis de Wailly dans son article sur une collection des sceaux des rois et des reines de France (1843.) On peut lire à la page 479 de cet article, que les rédacteurs de Wikipédia se gardent bien de référencer dans leur article consacré au savant :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Natalis_de_Wailly

Philippe II. Philippus. Di. Gra. Francorum Rex. Au contre sceau une fleur de lis épanouie. 1219

http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451718

 

Le testament de Philippe II, rédigé en 1222, fait toujours mention du Francorum rex :

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/testament-olographe-de-philippe-auguste-donne-a-saint-germain-en-laye_parchemin_1222?force-download=65372

 

Philippe Auguste, de son propre aveu, aura été, jusqu'à sa mort...

 

...Roi des Francs.

che-19-montrond1836chapitre10philippe2.gif

PHILLIPVS DEI GRATIA FRANCORUM REX

Sceau et contre-sceau de Philippe II Auguste
(dessin quelque peu idéalisé d’un manuel de diplomatie de 1759)

http://www.corpusetampois.com/che-19-montrond1836chapitre10.html

***

 

En colportant cette légende du premier Roi de France, les docteurs et autres professeurs d'histoire font preuve d'un étrange paradoxe dans leur méthodologie. Comme si leur mémoire déclarative se distinguait par son efficience, alors que leur mémoire procédurale demeurerait inerte.

C'est un argument d'autorité, rendu anonyme par la force de l'habitude, qui est implicitement employé.

Plein d'admiration pour un ancien professeur d'histoire, dont la figure structure désormais la propre représentation inconsciente de l'historien, on répète le mythe, sans même s'astreindre à la discipline de la connaissance directe, issue de la seule étude des documents.

***

L'origine du mythe

Dans une remarquable synthèse d'historiographie, Rémy Rocques (2019) pourrait expliquer comment la figure de Philippe Auguste attire naturellement sa réputation de premier Roi de France :

Dénigré par les romantiques qui, dans la première moitié du xixe siècle, lui reprochent son manque d’esprit chevaleresque, Philippe Auguste (1180-1223) est érigé en champion de l’unité française par les historiens méthodiques, avant d’apparaître, dans les années 1980-1990, comme le fondateur de la « monarchie administrative ». Au cours de son règne, la justice et les finances sont réorganisées, le droit savant devient un instrument au service des prétentions royales, le contrôle territorial et celui des officiers se précisent. Ces transformations, pour l’essentiel intervenues dans les années 1190-1235, consolident et préparent les conquêtes territoriales. Philippe Auguste profite également de la mort de Richard Cœur de Lion (1199) et de l’affaiblissement de l’empire des Plantagenêts pour placer plusieurs principautés et seigneuries sous sa domination. Le domaine royal s’accroît, le cortège des vassaux se renforce et les richesses s’accumulent, en même temps que sont confortées les assises symboliques de la royauté.

Rémy Roques. La « conquête de l’Auvergne » par Philippe Auguste 

https://doi.org/10.4000/ccm.4516

Les copistes

Dans tous les actes de Philippe-Auguste que j'ai vus, soit en original, soit dans les registres originaux de la chancellerie, le roi se qualifie sans exception rex Francorum (Sic !)  ou rex Franc. La forme rex Franciae ne s'y est pas présentée une seule fois. Je regarde donc comme à peu près démontré que cette formule n'était pas usitée à la chancellerie de Philippe-Auguste.

Léopold Delisle. Catalogue des actes de Philippe-Auguste. 1856. Introduction, p. lxiv

https://archive.org/details/cataloguedesacte00deli/page/n71/mode/2up

Léopold Delisle précise :

Mais, de ce que le roi ne prenait pas le titre de rex Franciae, il n'en faudrait pas conclure que ce titre fût alors inconnu. Les historiens du XIIème siècle l'ont fréquemment employé...

https://archive.org/details/cataloguedesacte00deli/page/n71/mode/2up

En 1884, Elie Berger rappelle que les documents concernant Louis VII et un hypothétique titre de Dux Aquitaniae sont de même nature :

Les pièces émanées de Philippe-Auguste dans lesquelles on trouve la  forme Franciae rex doivent être corrigées.

La formule Rex Francorum et Dux Aquitanorum dans les actes de Louis VII

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1884_num_45_1_447246

La tradition, idéologique et faisant fi de toute précision, consistant à traduire Rex Francorum par Roi des François est déjà présente dans le nouveau traité de diplomatique (1759 - Tome 4, p.67) : Les Mérovingiens ajoutent à leur nom le titre de Roi des François.

https://books.google.cz/books?id=0pQm-qZq5IMC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

La fleur de lis

On pourrait également tenter de comprendre cette origine du mythe du premier roi de France dans l'article Fleur de Lis  de l'Encyclopédie. Histoire. Tome I. 1784. (p.69) :

Comme les rois de France n'ont point eu d'armes avant le XIIème siècle, les fleurs de lis n'ont pu être employées qu'après ce temps-là. Phillipe-Auguste est le premier qui utilisa la fleur de Lis seule au contre-sceau de ses chartres.  

https://books.google.cz/

Cependant, tout comme les deux lions soutenant le roi, la fleur de Lis était déjà bien présente sur le sceau du Roi des Francs au moins depuis le règne de Robert le Pieux vers l'an Mil.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_II_le_Pieux#/media/Fichier:Sceau_de_Robert_II_le_pieux.jpg

La numismatique

Du point de vue de l'histoire de la numismatique, c'est à l'époque de Philippe Auguste qu'une partie de la légende est gravée, pour la première fois en français, sur certaines de ses monnaies:

La langue des légendes monétaires royales fut à quelques exceptions près le latin jusqu'en 1789. Seuls quelques deniers de Philippe Auguste (1180-1223) frappés en Picardie et en Artois vers 1190-1200 portèrent le nom de l'atelier en ancien français (Arras, Péronne, Moustereul pour Montreuil-sur-Mer)

http://classes.bnf.fr/franc/nav/droite/dte_chev.htm

Le garde des sceaux

Mais plus encore, ce mythe tire certainement sa force dans le jeu qu'il sera fait autour de la fonction de Garde des Sceaux, inaugurée par Philippe Auguste

[qui] fit élever Guérin dès 1201 à la dignité de garde des sceaux, chargé de conserver les sceaux et les archives royales, pendant la vacance de la chancellerie, il avait été chargé par le roi de garder la matrice des sceaux royaux, qui permettait de garantir l’authenticité des documents officiels du royaume. Cette tradition a traversé les siècles : l’actuel ministre de la Justice continue de conserver, dans son bureau, la presse servant à établir le sceau officiel de la République, qui date de 1848.

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Garde_des_sceaux_de_France

https://fr.wikipedia.org/wiki/Garde_des_sceaux_de_France#Sous_l'Ancien_R%C3%A9gime

C'est Charles de L'Aubespine, en 1633, qui incarnera le plus héroïquement la fonction de Garde des Sceaux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_L%27Aubespine

Les Plantagenêts

Sans doute, le mythe trouve également sons origine dans une volonté de gommer la différence séparant Philippe de Richard, roi d'Angleterre 

(rex Angliæ depuis le roi Jean, 1199 ou Henri II, 1154 ? - le titre des des souverains anglais a d'abord été Rex Anglorum à parir de 1066 : https://en.wikipedia.org/wiki/Style_of_the_British_sovereign#English_sovereigns), 

pour mieux souligner les ressemblances entre son Ordonnance et celles des Plantagenêts : la Magna Carta des années 1215 :

Henricus Dei gratia rex Anglie, dominus Hibernie, dux Normannie, Aquitanie, et comes Andegavie, archiepiscopis, episcopis, abbatibus, prioribus, comitibus, baronibus, vicecomitibus, prepositis, ministris et omnibus ballivis et fidelibus suis presentem cartam inspecturis, salutem. 

https://oll.libertyfund.org/page/1215-magna-carta-latin-and-english

Dans ce contexte de concurrence entre les souverains des deux côtés de la Manche pour le contrôle des Gaules,  c'est Edouard III Plantagenêt, cherchant à se rallier les Flandres au dépend de Philippe de Valois, qui adopte le titre de Roi de France et devient Rex Angliae et Franciae et Dominus Hiberniae (1340). Il aura sans doute paru nécessaire à la gloriole nationale, de créer un Rex Franciae qui fût antérieur à celui qui trônait en perfide Albion !

 

***

 

Du Rex Fracorum au roy de France II

Roman national et documents sigillaires. Les Plantagenêts Rex Franciae

https://www.jerome-maurice-francis.cz/clanky/historiographie-experimentale/du-rex-fracorum-au-roy-de-france-ii.html

***

 

Première mise en ligne : 5.11.2022

 

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