Du «rex Francorum» au «roy des François» III
Du «rex Francorum» au «roy des François» III
La titulature des souverains des pays de France : du «rex Francorum» au «roy des François» (680 – 1790)
III : Commentaires du tableau chronologique
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3.2 - Première dynastie des «rex Francorum»
Suivant notre corpus, le premier «roi des Francs» /«rex Francorum» est donc Thierry (Thierry III, fils de Clovis II et roi de tous les Francs de 679 à 691.)
Au de-là des désaccords sur le chiffre du rang dans le nom, il est sans doute remarquable de constater qu'il n'est pas si simple de distinguer le Franc «Thierry» du Goth «Théodoric.» Même si les versions latines peuvent varier très légèrement («Theudericus» ou «Theodericus»), elles constituent deux réalisations d'une forme unique d'origine proto-germanique *Þeudōrīks.41 C'est alors les transcriptions modernes qui déterminent postérieurement «l'ethnicité» de l'original ! Des idéologies nationalistes tardives attribuent des formes différentes à ce que l'unicité lexicale proto-germanique désignait comme «le roi de la nation.»42
Pour le roman national actuel, il est tout autant surprenant que le moine Rigord, originaire des Cévènnes et premier biographe de Philippe-Auguste, puisse encore se déclarer de «nationalité gothe» (natione Gothus) plus de cinq siècles après la bataille de Vouillé. Mais l'influence du Marquisat de Gothie et de ses traditions, ont certainement perduré au moins jusqu'à la fin du XIIème siècle. Cependant la «nationalité gothe», à laquelle se réfère le moine Rigord, a peu de chance de trouver un écho dans une conception tribale ou ethnique. Claudie Duhamel-Amado précise que:
««Saliques», «Goths», «Romains», les notions d’identité devaient déjà renvoyer, autour de 900, à des traditions familiales et culturelles dominantes plutôt qu’à une réalité ethnique bien définie, aucun des trois groupes n’ayant échappé au processus permanent de fusion, comme en témoigne le repérage des alliances matrimoniales au sein de l’aristocratie.» (DUHAMEL-AMADO.1992: note en bas de page 2)
Quelque soit son ethnie, le roi Thierry s'impose comme le premier souverain d'une série remarquable par sa cohérence, celle de la «race» des «rex Francorum»:
«La légende des sceaux de nos rois de la première race est constante et uniforme. C'est toujours le nom du roi mis au nominatif et accompagné du titre de roi des Francs:» (DOUËT D'ARCQ.1863: XCIV)
THEVDERICVS REX FRANCORVM
3.3 - Rex, Imperator, Augustus: l'instabilité carolingienne
La première époque mérovingienne est suivie par une courte période (752, 769, 779) correspondant à l’avènement de la dynastie carolingienne, et pendant laquelle aucune légende n'est gravée sur les sceaux.
Avec le deuxième sceau du règne de Charlemagne (774), le titre de «rex» réapparait métamorphosé. Certes, le grand Charles reste «roi des Francs», mais, soumis à la «protection du Christ», il endosse la fonction d’accusatif:
XPE (chrisme: Khi Rho) PROTEGE CAROLVM REGE FRANCORVM
Ainsi ce changement grammatical résulte de l'apparition d'une instance divine, incarnée dans le chrisme, et de laquelle le roi tire sa souveraineté.
Même s’il existe du monétaire (un denier d’argent notamment) attestant du titre d’empereur43, notre corpus ne montre pas Charlemagne portant le titre impérial. Il apparaitra sous le règne de Louis «le Débonnaire» (816 + 839), dont la légende du sceau semble identique à celle de son prédécesseur, excepté le titre d’empereur, toujours à l’accusatif et toujours placé sous la «protection» divine, symbolisée par le Khi Rho. Seulement, contrairement à Charlemagne, Louis ne règne plus sur les Francs:
+ XPE PROTEGE HLVDOVICVM IMPERATOREM
Le titre de Lothaire premier (840) garde une structure générale similaire suivant le chrisme. Seulement, le nouvel empereur ne bénéficie plus de la «protection» divine, mais son aide («adjuva»), qui lui a permis d'augmenter son titre («Augustum»):
+ XPE ADJVVA HLOTHARIVM IMPERATOREM AVGVSTVM
«Charles le Chauve, en 843, introduit le premier la formule «gratia Dei», et ne prend encore que le titre de roi: «Karolus, gratia Dei, rex.» En 877, il remplace le «gratia Dei» par «misericordia Dei», et prend le titre d'empereur: (DOUËT d'ARCQ.1863: XCXV)
KAROLVS, MISERICORDIA DEI IMPERATOR AVGVSTVS
Louis II «le Bègue», Charles «le Simple» et Rodolphe/Raoul (879, 911,932) reprennent l’usage inauguré par Charles «le Chauve» en 843:
RODVLFVS GRATIA DEI REX
3.4 - La dynastie capétienne
3.4.1 - Les fondateurs Robert II «le Pieux» et Henri Ier
On peut attribuer une place remarquable à Robert II «le Pieux» et Henri Ier en tant que premiers membres de la dynastie capétienne. L'observation systématique des sceaux confirme cette position imminente occupée par les deux rois: «Le premier sceau capétien que possèdent les Archives est celui du roi Robert»: (DOUËT D'ARCQ.1863: XXXIX)
+ ROBERTVS GRATIA DEI FRANCORVM REX
Robert II réintroduit la mention «Francorum» qui n’avait pas été utilisée depuis Charlemagne (même si nos trois sources ne le citent pas toutes, il est parfois fait mention d’une «renovatio regni Francorum» chez Charles «le Chauve.») Robert est le premier à associer «Gratia Dei» à la tournure modernisée «Francorum rex», dans laquelle le «rex» est postposé, contrairement à sa position antéposée dans le style mérovingien «rex Francorum.»
Robert possède aussi la réputation d'être le premier souverain à utiliser un «Sceau de majesté»: «M. Lecoy de la Marche lit un mémoire duquel il résulte que le grand sceau de nos rois, dit sceau de majesté, fut inventé à l'avènement de Robert, en 996. Il appuie cette observation nouvelle sur la confrontation des empreintes de cire avec les formules des actes auxquels elles sont jointes.» (LECOY DE LA MARCHE.1889: 170)
Douët d'Arcq le décrit ainsi: «Un roi vu de face, à mi-corps, la tête ceinte d'une couronne à trois fleurons, la barbe longue. Le manteau, attaché sur l'épaule droite, retombe en pointe sur la poitrine. Il tient à la main droite un sceptre et à la gauche un globe.» (DOUËT D'ARCQ.1863: 270)
Pourtant, il manque à ce sceau de Robert II «le Pieux» un dernier élément pour un faire un «Sceau de majesté» tel que l'entend Douët d'Arcq. En effet, si le roi brandit les attributs royaux (le sceptre et le globe), il est aussi «vu de face.» Mais le cadrage, «à mi-corps», ne permet pas de décider s'il se tient assis ou debout.
Selon Douët D'Arcq, il faut attendre encore une génération pour qu'apparaisse le «Sceau de majesté»:
«C'est son fils, Henri Ier, qui nous fournit le premier exemple d'un sceau de majesté. C'est un sceau rond d'environ 76 millimètres de diamètre. Le roi y est vu de face, assis sur un trône d'une architecture à deux étages et qui est accompagné d'un marchepied. Sa couronne, à trois fleurons, ressemble à celle de son père. Il porte comme lui la barbe longue et est également vêtu de la tunique et du manteau, attaché cette fois sur l'épaule droite et retombant en pointe sur la poitrine. Ses deux bras sont levés à la hauteur de la tête. Il tient, à droite, un fleuron à trois lobes, et, à gauche, un bâton ou sceptre.» (DOUËT D'ARCQ.1863: XXXIX)
En ce qui concerne la légende complète, Henri Ier reprend l'ordre du «Francorum rex» établi par son père, mais inverse l'ordre de la grâce divine. En 1056, à l'époque où Procope de Sázava rédigeait l'Evangéliaire de Reims, le futur époux d'Anne de Kiev établit l'ordre canonique de la légende:
HEINRICVS DEI GRATIA FRANCORVM REX
Cet ordre perdurera, parfois complété mais jamais changé, jusqu'à l'avènement du «roi de France»:
«Cette dernière forme est employée invariablement par tous ses successeurs jusqu'à Charles VIII, qui le premier ajoute à la légende royale le chiffre marquant son rang parmi les rois du même nom:»(DOUËT D'ARCQ.1863: XCXV)
KAROLVS DEI GRATIA FRANCORVM REX OCTAVVS
Charles VIII ne complète la légende royale qu'en fin de règne (à partir de 1495), ses premiers sceaux disponibles n'en font pas mention. Ce changement a d'ailleurs échappé à Natalis de Wailly (WAILLY.1823:483) qui présente un sceau de 1494 et qui attribue l'apparition du chiffre à son successeur, Louis XII (1499):
LVDOVICVS DEI GRATIA FRANCORVM REX DVODECIMUS
3.4.2 - Derniers Capétiens directs, derniers Valois et premiers Bourbons
3.4.2.1 - Les derniers Capétiens directs: «roi des Francs et de Navarre»
On doit amender la remarque de Douët D’Arcq. Il faut noter qu’avant le changement accompli par Charles VIII (Valois), le mariage de Philippe IV «le Bel» avec Jeanne de Navarre avait déjà apporté une modification à la légende royale canonique : «Philippe le Bel ajoute à sa légende, en 1286, sur son contre-sceau, les mots et Navarre, parce qu'il possédait la Navarre depuis son mariage avec Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne, en 1284.» (DOUËT D'ARCQ.1863: XCIV)
Tous les fils de Philippe IV «le Bel» et de Jeanne de Navarre hériteront du titre légué par leur mère. Ainsi, les trois frères et derniers Capétiens directs, Louis X «le Hutin» (+1316), Philippe V «le Long» (+1322) et Charles IV «le Bel» (+1328) ont tous enrichi le titre royal de la couronne de Navarre:
DEI GRATIA FRANCORVM ET NAVARRE REX
Mais les deux royaumes restent distincts, et ne sont pas soumis au même corpus législatif. La «loi salique» ne s'appliquant pas en Navarre, à la mort de Charles IV, c'est sa nièce Jeanne II, fille de Louis X et petite fille de Jeanne de Navarre, qui reprendra la couronne après maintes péripéties. A la mort de son père, Jeanne II avait été successivement évincée du trône par ses oncles, les régents Philippe V «le Long» et Charles IV «le Bel.»
En avril 1328, à Saint-Germain-en-Laye, les familles royales pouvant potentiellement revendiquer le trône de Navarre, se réunirent en assemblée et s'accordèrent pour que Jeanne reprenne son titre dont elle avait hérité. Elle et son mari, Philippe d'Evreux, furent couronnés malgré les réticences des Cortès à choisir des princes ne résidants pas en Navarre (LEROY.1970: 138,139). Contrairement au titre des hommes toujours en latin, les reines de France (et de Navarre) possédaient déjà un titre en langue française:
«Philippus, Dei gracia Navarre rex, comes Ebroicensis, Engolismensis, Longueville et Moritonii» (acte daté de Paris du 20 juillet 1328), et «Johanne, par la grace de Dieu, royne de Navarre, contesse d’Evreus, d’Engolesme, de Mortaing et de Longueville.»44
Jeanne II «ajouta à ces différentes qualités, celle de «fille de roi de France.» On en trouve le premier témoignage dans un acte du 2 octobre 1337 daté de Paris : «Philippus, Dei gratia rex Navarre, Ebroycensis, Engolismensis, Moritonii, Longevilleque comes, et Johanna, filia regis Francie, eadem gratia dicti regni regina dictorum comitatuum comitissa, ejus consors.» (CHARON.2019: 3)
En usant «ce nouveau titre, qui traduit incontestablement une conscience aiguë de son origine, voire une revendication assumée» (CHARON.2019: 3), Jeanne adopte la stratégie qu'on devinait déjà chez Édouard III et qui consiste à affirmer que la «loi salique» concerne uniquement la succession du « roi des Francs» et pas celle du «Rex Francie.»
Son fils, Charles II ne manquera pas souligner le titre de son ascendance:
«Charles II rappela l’ascendance royale de sa mère lors de la crise de la royauté de 1358, et suggéra ainsi ses droits à la couronne de France.» «Dans son discours du 15 juin 1358 devant les Parisiens à l’hôtel de ville, Charles rappelle ses origines, «des fleurs de lis de tous costez», et avance l’idée selon laquelle «eust esté sa mere roy de France se elle eust esté homme, car elle avoit esté fille seule du roy de France.» (CHARON.2019: note en bas de page 20)
Comme de leur côté, Philippe VI et les Valois ne pouvaient formuler aucune revendication sur le trône de Navarre, ils reprendront le titre canonique établi par Henri Ier:
PHILIPPVS DEI GRATIA FRANCORVM REX
3.4.2.2 - Le couple François II et Marie Stuart
A la mort de son père Jacques V en 1542, Marie Stuart devient «reine des Écossais.» Mais encore trop jeune pour régner, elle devient l'otage, autant des stratégies diplomatiques entre l'Écosse et l'Angleterre, que des luttes pour la régence. Fille de Marie de Guise, la petite reine âgée de 6 ans part pour la cour d'Henri II de France, où elle sera élevée auprès du dauphin François. Leur mariage sera célébré en 1558 à Notre-Dame de Paris. François portera dès lors le titre de «roi des Écossais.» Après l'accident tragique qui emporta Henri II lors d'un tournoi (1559), les jeunes époux partageront les deux titres de «roi et reine (rex et regina) des Francs et des Écossais.»
Et même si les deux États ne sont pas fédérés dans une entité unique, leurs sujets respectifs bénéficient de toutes les dignités «que faire pourraient s’ils étaient originairement de notre royaume.» (DUROT.2007: 9)
La souveraineté partagée engendre des privilèges concrets, dont profitent les sujets des deux royaumes. Mais le titre complet laisse entrevoir des projets plus ambitieux. Les époux royaux revendiquent également la souveraineté sur l'Angleterre et l'Écosse:
REX ET REGINA FRANCORVM, SCOTORVM, ANGLIAE ET HIBERNIAE
Pour affirmer ses prétentions sur l'Angleterre et l'Irlande, Marie Stuart prend comme prétexte les conséquences juridiques du schisme anglican. Henri VIII avait désigné son fils Édouard pour lui succéder. A sa mort en 1553, c'est la fille qu'il avait eu avec Catherine d'Aragon qui était montée sur le trône. Mais comme le divorce entre Henri VIII et Catherine d'Aragon n'avait pas été légitimé par le pape, les clans catholiques refusaient de reconnaître comme reine la fille d'Anne Boleyn. Marie Stuart, petite-fille de Marguerite Tudor, était la petite-nièce d'Henri VIII. C'est à ce titre qu'elle revendique le trône d'Angleterre, poussée par les Guise refusant de reconnaître l'autorité d'Elisabeth Ière, illégitime aux yeux des Catholiques.
Pour François II le Valois, puisque les souverains anglais revendiquent le titre de «rex Franciae» depuis Édouard III, on peut aussi interpréter ces prétentions comme une réciprocité diplomatique:
«La reine d’Écosse peut bien porter les armes d’Angleterre puisque la reine Élizabeth n’a pas renoncé à la prétention de ses aïeux de prendre celles de France.» (DUROT.2007: 10)
La façon dont l'article d'Éric Durot présente le titre de François II est révélateur, encore une fois, d'une idéologie élevée au rang d'a priori de la perception. Dans une note en bas de page, le titre de François II est retranscrit exactement de la façon dont il apparait dans notre inventaire:
«Franciscus et Maria D.G. R. R. Francor. Scot. Angl. et Hyber. 1559»
Pourtant, la reconstruction de la légende utilisée dans le corps de l'article s'avère d'un niveau d'approximation très imprécis:
«Franciscus et Maria Dei gratia Franciae, Angliae, Scotiae et Hiberniae Rex»
En plus de délaisser le premier «R» de «Regina», et d'intervertir l'ordre «Scot. Angl.» par «Angliae, Scotiae», l'auteur décide d'interpréter le «R. Francor.» par «Franciae Rex.» (DUROT.2007: 10)
Cette transcription est d'autant plus surprenante, que l'auteur ne manque de souligner l'importance de la forme du titre pour interpréter le mode, ou le style du gouvernement d'un État, et de son système politique:
«la reine d’Écosse, en réalité reine des Écossais, Queen of Scots, ce qui traduit bien la manière dont les Écossais envisagent la souveraineté.» (DUROT.2007: 9)
Mais fidèle au roman national, l'importance du style de souveraineté, que notre auteur reconnait quand il évoque les Écossais, devient négligeable pour le cas des Français.
3.4.2.3 - Les premiers Bourbons et les derniers «Francorum rex»
Frère de François II et dernier Valois régnant, mort assassiné par le moine Clément en 1589, Henri III de France avait désigné Henri III de Navarre comme son successeur. Mais l'opposition des clans catholiques et du parlement de Paris l'emportant dans un premier temps, ce fut le cardinal de Bourbon qui fut désigné comme nouveau roi de France sous le nom de Charles X:
CAROLVS X DEI GRATIA FRANCORVM REX.45
Comme le cardinal était toujours fait prisonnier depuis que Henri III avait entamé sa guerre ouverte contre les Guise et la ligue catholique, il n'eut d'autre choix que de se récuser au profit de son neveu protestant. Henri III de Navarre montera sur le trône de France sous le nom d'Henri IV:
HENRICVS QUARTVS DEI GRATIA FRANCORVM REX
Même si l'emblème de Navarre apparaît aux côtés des fleurs de lys sur les armoiries du royaume de France, le titre canonique du «roi des Francs» n'est pas altéré. Henri IV reste le digne héritier d'Henri Ier (malgré une légère variation dans le nom latin HE.I.NRICVS de son ancêtre.)
A l’occasion de l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac le 14 mai 1610, le garde des Sceaux Sillery répliquera à Marie de Médicis en pleurs: «Votre Majeste m'excusera, les Roys ne meurent point en France.»46
On peut interpréter cette sentence du conseiller Sillery comme une validation de la théorie «des deux corps du roi.»47 Elle démontre aussi le principe qu'on désigne aujourd'hui comme la «continuité de l'État»: «[signifiant] que la personnalité juridique dans l'ordre juridique international subsiste malgré les changements de territoire, de population, de régime politique et juridique et de nom.» (HAMDOUNI.2014: note en bas de page 22)
En citant Victor-Lucien Tapié, Fabrice Hoarau rappelle que l'État royal s'appuie sur le «principe de la pérennité monarchique, dont le souverain régnant n'était qu'un dépositaire viager.»48
Dès lors, si Henri disparait en 1610, son corps symbolique lui survit. Le titre s'incarne immédiatement dans l'héritier, et Douët D'Arcq identifie effectivement sur un document un sceau de cette date: «Premier Grand Sceau (1610) Sceau de majesté au pavillon ouvert par deux anges:
LUDOVICVS XIII DEI GRATIA FRANCORVM REX
Appendu à un cahier de parchemin contenant l'union de la manse abbatiale de l'abbaye du Val au monastère des Feuillants de Paris – 1616. - Les Archives de l'Empire possèdent un autre exemplaire de ce sceau sur lequel on lit dans un cartouche la date de 1610.» (DOUËT D’ARCQ.1863: 281)
Même si la continuité du titre du souverain symbolise en-soi la continuité de l'État, cette dernière ne se confond ni avec la continuité du régime, ni avec celle du gouvernement. La permanence du titre peut aussi servir de paravent à la subversion des coups de force.
La succession d'Henri III avait déjà apporté un premier exemple de cette illusion de stabilité. La volonté du roi défunt s’était heurté au choix défendu par la Ligue catholique, alliée au Parlement de Paris. Si tous s'accordaient sur un changement de dynastie, la religion du futur roi restait un sujet d'affrontement. Comme le cardinal de Bourbon, désigné roi sous le nom de Charles X, restait placé sous la garde des armées protestantes, il fut contraint de se récuser. Le cardinal décèdera dans la foulée. L’éphémère Charles X est sans doute un exemple typique de ces rois «faits néant.»49
Une génération plus tard, en s'imposant au conseil du roi, la régente Marie de Médicis parviendra techniquement à évincer du pouvoir son fils. Elle devra néanmoins convoquer les États-généraux en décembre 1614 pour parer son coup de force d'un voile de légalité. Elle apaisera ainsi la révolte menée par les Grands du royaume: «Après le traité de Sainte-Ménehould du 15 mai, par lequel la régente accepte de convoquer les États, la lutte, qui un moment a failli prendre un tour militaire, se déplace sur les élections.» (CHARTIER.1976: 72)
En revanche, un changement de titre met nécessairement en évidence un changement de régime, subit et le plus souvent brutal.
Ainsi, la dynastie mérovingienne disparait quand Childéric III, dernier «rex Francorum» est fait prisonnier. Enfermé dans l'abbaye de Saint-Bertin en 751, il est tondu pour signifier à tous son éviction du pouvoir. Dans une étude comparant le sémantisme de «tondere» et «tundere», Jean Hoyoux explique d'une façon très convaincante que la «tonsure» était en réalité un supplice particulièrement cruel:
«La tonsure des rois déchus ne pouvait être une simple coupe de cheveux dont la nature aurait effacé la trace en quelques années. Il s'agissait certainement d'autre chose, d'un signe dégradant et indélébile. Or, une telle trace résulte bien du scalp par arrachement.» (HOYOUX.1948:507)
De son côté, intégrant cette brutalité des comportements politiques dans sa réflexion, et prenant soin de distinguer «pouvoir» symbolique et «puissance» effective, Jean Dhondt observe que les principes juridiques et législatifs sont de fragiles remparts, incapables de s'opposer à la réalité des rapports de force. Jean Dhondt explique que l'élection du roi par les grands du royaume, permet aux princes (Pépin, Hugues Capet) qui possédaient déjà la «puissance», de prendre le «pouvoir»:
«Mais hérédité ou élection, ce ne sont là que des formules à l'époque. Ce qui compte, c'est la puissance qui permet d'imposer le pouvoir. L'élimination des Mérovingiens au profit de Pépin en est une preuve. La succession de Carloman, frère de Charlemagne, en est une autre.» (DHONDT.1939: 918)
A propos de la succession de Carloman, Jean Dhont décrit un théâtre de l'élection: «Ceci constitue en quelque sorte une élection ; mais ici encore les grands n'avaient guère le choix ; ils ont «élu» celui que sa puissance et ses liens de parenté imposaient à leur choix.» (DHONDT.1939: 918)
Suivant les contextes historiques, les électeurs relativiseront la valeur accordée aux principes dynastiques pour guider leur choix du successeur au trône.
Mais d'une manière générale, on décèle dans l'instabilité des titres à l'époque carolingienne, un «coup de force permanent» rendu possible par la faiblesse du souverain et de son État. Même s'il possède tous les attributs symboliques et légaux du «pouvoir», le souverain carolingien se montre un souverain sans «puissance.» Martin Gravel explique que l'hypothèse de la faiblesse structurelle rend compte pour le mieux de l'instabilité des royaumes carolingiens:
«L’échec institutionnel est l’hypothèse du cadre structurel la mieux étayée par la recherche. La Verfassungsgeschichte50 voit dans les limites de l’outillage institutionnel de l’Empire carolingien une explication de sa fragmentation. L’empereur n’aurait pas eu les moyens de ses ambitions et il lui était impossible de remédier à ce problème. L’administration méthodique des domaines du fisc, l’organisation d’une armée permanente ou l’instauration d’un système judiciaire rationnel étaient à la fois essentielles et irréalisables. Cette hypothèse s’est construite sur l’axiome implicitement admis qui veut qu’aucun État digne de ce nom ne puisse se maintenir sans un appareil bureaucratique appuyé sur le document écrit, la comptabilité, l’archivage et le fonctionnariat.» (GRAVEL.2011: 363)
Certes, on a coutume d'admettre que la dynastie carolingienne s'éteint naturellement avec le décès du jeune Louis V qui n'avait pas encore de descendant en 987. Au de-là de cet aspect naturel des événements, Jean Dhondt explique que dans le cas de l'avènement de Robert II, l'élection est devenue le moyen par lequel s'exerce le rapport de force:
«Ceci n'est plus une simple élection, mais un renversement de la dynastie. Ce qui accentue toutefois le caractère insolite de ces élections, c'est qu'elles constituent beaucoup plus qu'une simple élection ; elles sont une révolte contre le roi régnant et elles ont pour but de le détrôner.» (DHONDT.1939: 930)
La fin tragique et brutale de Louis V fût-elle un accident, le passage au règne des «Francorum rex» capétiens n'en correspond pas moins à un changement de régime. On assiste non seulement à la prise de pouvoir des Capétiens, on constate aussi un changement dans les principes de transmission du royaume, conçu dorénavant comme une entité indivisible, transmise sous le régime de la primogéniture et inaugurant ainsi «le miracle capétien.»
C'est toujours en recourant à ce principe, rendant inséparable le changement de titre à un changement de régime, qu'on explique aussi pourquoi le «roi de France» devient le «roi des Français» le 9 novembre 1789 par décision de l'Assemblée Constituante:
«L'expression du Roi de France sera changée en celle de Roi des Français, et il ne sera rien ajouté à ce titre.» (GUYOT.1834: 57)
Ce principe est encore mis en évidence pour la fondation de la République entrainant la destruction physique du titre de «roi de France»:
«Après l’abolition de la monarchie et l’instauration de la République le 26 septembre 1792, la fin de l’ancien Régime fut symbolisée par le brisement des Sceaux de l’État et leur renvoi à la Monnaie par un décret des 6 et 8 octobre 1792.» (GUILLAUME. 2006)
La chute de Napoléon et la restauration permettront le retour du «roi de France et de Navarre», mais privé de la «grâce divine.» La révolution de 1830 verra le retour du «roi des Français» en la personne de Louis-Philippe, duc d'Orléans.
La même compréhension de ce rapport de force permet d'expliquer les traités internationaux. En citant François-Eudes de Mézeray à propos du traité de Troyes de 1420, on constate que constitutionalité ou tradition légaliste peuvent facilement passer pour des phénomènes secondaires, voire négligeables, face au droit du plus fort: «L'Anglois espouse Catherine fille de France, et est déclaré successeur de la Couronne, au préjudice du Dauphin et des loix fondamentales de l’Estat» (MEZERAY.1643: 1025)
3.4.2.4 - «Roy de France et de Navarre» et «roy des François»
Douët d'Arcq observe que «Louis XIII est le premier qui ait mis la légende en français, en 1617» (DOUËT D'ARCQ.1863: XCXV):
LOVIS XIII PAR LA GRACE DE DIEU ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE
Natalis de Wailly ne le contredit pas mais propose la date de 1618, en précisant qu'«il subsiste de la légende quelques lettres seulement qui prouvent qu'elle était en français et que Louis XIII y prenait le titre de roi de France et de Navarre. Au contre-sceau, l'écu de France, timbré d'une couronne et supporté par deux anges debout. 1618.» (WAILLY.1843: 485)51
Pour expliquer l'apparition du titre de «roy de France», les exemples puisés dans l'histoire incitent à recourir encore à cette primauté du rapport de force. La date de 1617 permet effectivement d'identifier un moment d'une rupture (inattendue et brutale) inaugurant une nouvelle ère politique, dans laquelle le jeune roi se trouve enfin libre d'affirmer pleinement son identité de souverain.
Pour que le jeune Louis XIII prenne les rênes du pouvoir, il lui faut organiser le «Coup de majesté» du 24 avril 1617. Ce jour-là, il fait assassiner le premier conseiller florentin Concini (Conchine), favori de la reine mère Marie de Médicis. Une embuscade est tendue à l’entrée du Louvre par Vitry, capitaine des gardes (du corps du roi.) La femme de Concini, dame d’atours de la régente, sera plus tard condamnée pour sorcellerie puis exécutée. Le roi bannit aussi de la cour la reine mère et l'exile à Blois. Richelieu se réfugiera sur les terres du Pape en Avignon. Le garde des Sceaux bénéficiera d'un traitement plus clément: «Mangot, prié de rendre les Sceaux à Luynes, fut gardé pour la forme quelques heures dans la chambre de Vitry, puis relâché.» (PETITFILS.2008: 231)
Dans son ouvrage consacré à Louis XIII, Jean-Christian Petitfils décrit la liesse populaire qui suit l’exécution de Concini et l’avènement de Louis XIII «le Juste» (PETITFILS. 2008: 228 et suivantes):
«De partout fusaient les cris «Vive le roi.»» (Op.cit.: 231) «Des clameurs joyeuses, confuses mais grandissantes, provenaient du grand escalier Henri II, que grimpait quatre à quatre une horde tapageuse de gardes et de courtisans. Soudainement entouré, bousculé, ovationné, Louis ouvrit la fenêtre. Dans la cour noire de monde, une onde immense de vivats monta jusqu’à lui, illuminant son visage et libérant son cœur... Il était enfin libéré de la tyrannie Conchine! «Merci, grand merci à vous. A cette heure, je suis roi!»» (Op.cit.:232.) «Puis, grimpé sur un billard, reçut les compliments de la foule. «Maintenant je suis roi...Servez-moi bien, je vous serai un bon roi!»» (Op.cit.: 234)
Mais le roi ne se contenta pas de l'acclamation du peuple de Paris, il voulut susciter l'adhésion de tout le pays: «La diffusion de la nouvelle dans Paris fut faite à l'instant par des cavalcades de gardes du roi, tandis que des courriers partaient aussitôt vers tous les gouverneurs de provinces ou de places [...] À Paris, les acclamations étaient telles «qu'il sembloit que tous eussent participé à cette exécution et eussent eu communication du dessein» ( P. Boitel, Histoire mémorable de ce qui s'est passé..., Rouen, 1620; cf. p. 325.) À Amiens, la nouvelle, arrivée dès le lundi soir, mit la ville en fête le lendemain: «tout le peuple était comme en extase et en admiration d'entendre et de voir ce que l'on espéroit point» (Mémoires de Montglat. Journal de Jehan Patte.) L'événement correspondait exactement à l'attente monarchique de l'opinion, un jeune prince presque à son avènement, assumait sa légitimité et faisait justice lui-même du mauvais ministre, voleur et oppresseur. En tout temps, le pouvoir présente deux visages, celui brillant, du roi justicier et protecteur et puis le revers sombre de l'État celui de l'extorsion fiscale et de la contrainte des armes. La force du coup de 1617 était de réussir parfaitement cette dissociation, ces incarnations concurrentes, et d'offrir aux sujets l'image tant attendue du prince justicier.» (BERCE.1996: 500,501)
Après avoir reçu l’approbation populaire de l'ensemble des territoires, Louis XIII se rend au Parlement de Paris. En effet, puisque «la révolution est toujours illégale» (TOSEL.1988: 21), quand bien même elle fût organisée par le roi en personne, Louis XIII se voit contraint de faire entériner a posteriori son coup de force par les garants des traditions juridiques. Le roi s’adresse aux «avocats généraux Servin et Lebret, en attendant l’arrivée des autres membres du Parlement: «Je suis roi maintenant, je suis votre roi ; je l’ai été, mais je le suis et serai52, Dieu aidant, plus que jamais. Dites à mon Parlement que ce méchant a voulu attenter à ma personne et entrepris sur mon État.»» (PETITFILS.2008: 234)
Les révoltés (Nevers Mayenne, Vendôme...entrés en rébellion depuis janvier) se rallient au roi: «La France entière accueillit la nouvelle de [...] la prise du pouvoir par le roi dans une joyeuse et unanime explosion. On louait Louis XIII comme «le plus grand roi de toute la terre», le glorieux «libérateur de la république françoise.» (Op.cit.: 237)53
Depuis l'apparition du Chrisme garantissant la protection de Charlemagne, les souverains des Francs et des Français se placent systématiquement sous la protection divine. Elle devient la justification la plus explicite, et précédant toutes les autres, elle permet au roi d'affirmer sa légitimité à monter sur le trône. Ce principe de la «Vox Dei», appelant le roi à régner, apparait indiscuté et parfaitement admis comme le montrent les cahiers de doléance de 1614: «comme il [le roi] est reconnu souverain en son État, ne tenant sa couronne que de Dieu seul, il n'y a puissance en terre, quelle qu'elle soit, spirituelle ou temporelle qui ait aucun droit sur son royaume, pour en priver les personne sacrées de nos Rois, ni dispenser leurs sujets de la fidélité et obéissance qu'ils lui doivent pour quelque cause ou prétexte que ce soit.» (CHARTIER, NAGLE.1973: 1489)
En plus de s'appuyer sur les principes traditionnels, d'abord d'ordre divin, mais surtout dynastique et de primogéniture, en plus de bénéficier du soutien du parlement de Paris, agissant comme une cour constitutionnelle, en plus de trouver un soutien dans la noblesse révoltée, le nouveau «roi de France» pourra aussi revendiquer une légitimité tirée de l'acclamation populaire. La «Vox Populi» de tout un pays reconnait en son roi le héros national de la libération.
La diplomatie, menée sous la régence de Marie de Médicis, a certainement engendré cette sensation d'invasion de forces extérieures, sinon du pays dans son entier, du moins de son gouvernement. La régente avait effectivement fait entrer au conseil du roi, le nonce apostolique et l'ambassadeur d'Espagne. (CARMONA.1985: 10) Livrée au gouvernement de Conchine, compatriote florentin, la France passe définitivement pour un État «abandonné à la tyrannie de l'Étranger.» (MATTHIEU.1618: 10)
Ainsi le meurtre de Conchine s'érige comme l'acte symbolique menant à la «libération nationale.» S'opposer au Florentin, c'est faire acte de résistance. Cette conception est clairement exprimée par Pierre Mathieu qui se présente comme un résistant «prêt de souffrir toutes choses courageusement pour la défense de la vérité et de la liberté de la France.» (MATTHIEU.1618: 3)
Même si le Mercure françois, Pierre Matthieu ou François Mézeray brossent «naturellement» un portrait dithyrambique du jeune roi, et exagèrent certainement le caractère spontané de l'acclamation populaire, il n'en reste pas moins que Louis XIII a gagné son titre de «Juste.» Pensé comme la réponse aux doléances de 1614, le projet politique, qu'on appellera bientôt l'absolutisme, s'érige en transformation radicale de l'État, et devient la première tentative pour abolir le système féodal. Cette abolition est certainement vécue comme une promesse de progrès et de justice sociale, libérant le pays du féodalisme archaïque, grevé d'autant de disparités fonctionnelles, vécues par les sujets du royaume, comme autant d'injustices et de tyrannies locales.
Pour réaliser son projet, le roi cherche d'abord à priver les féodaux de leur «puissance». Pour parvenir à cette première étape, il leur interdit de recourir à la force, en instaurant le monopole publique: «Louis XIII a systématiquement détruit les châteaux des grands seigneurs rebelles, protestants comme catholiques, contre lesquels ses troupes menaient incessamment bataille. Il a commencé à condamner les duels, la détention d'armes et l'entretien d'armées privées.» (TILLY.2000: 103)
D'autre part, le roi tentera de priver les féodaux de leur «pouvoir» local. L'ensemble des sujets du royaume ne reconnaitront plus qu'un suzerain unique. Ils deviendront absolument égaux dans leur soumission à la puissance royale. Cette nouvelle relation au souverain est appelée «la directe universelle du roi»:
«L’article 383 est devenu célèbre comme étant le premier document législatif où ait été énoncée d’une manière nette en France la théorie de la directe royale universelle. Désormais quand une terre sera prétendue allodiale, dans les pays censuels, rien n’est changé: ce sera à l’alleutier à prouver la franchise de sa terre, soit à l’égard d’un seigneur subalterne soit à l’égard du roi. Dans les pays allodiaux, il faudra distinguer: contre un seigneur subalterne, l’allodialité sera toujours présumée ; mais contre le roi, il faudra maintenant la prouver par titres, car l’héritage qui n’a pas de seigneur est censé relever du roi. L’effet de l’article 383 du Code Michau est donc d’étendre à tous les pays allodiaux la règle: «nul franc-alleu sans titre, quand il s’agit du roi.»» (KADLEC.2012: #26)
Même s'il soulève un refus général, et ne trouve aucun parlement de Province pour approuver son application, le «code Michau» de 1629, conçu comme la réponse législative aux doléances de 1614, constitue la première exposition des principes de l'absolutisme. Ce code passe pour la première tentative de mettre fin au féodalisme. Il offre de tisser un lien direct entre le roi et l'ensemble de ses sujets. Plus encore, en libérant le pays de l'emprise des forces étrangères, en incarnant un État dont il devient le centre des prises de décision, Louis XIII exécutant son «Coup de majesté» le 24 avril 1617, met en mouvement un projet politique qui correspond aux critères, décrits par Roger Martelli, quand il expose la première phase de l'émergence du «phénomène national»:
«La phase des proto-nations, en général autour d'un État centralisé: Royaume-Uni, France, Espagne. Puis, dans les failles des empires, ont lieu les premières émancipations (type Pays-Bas, XVIe siècle).» (MARTELLI.2006: 13)
Mais plus qu'une lente émergence proposée par la pensée holistique, la date symbolique du «Coup de majesté» s'interprète aussi comme «la naissance d'une nation», soit tout un peuple s'unissant autour d'un projet politique.
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